Homélie retranscrite à partir d’un enregistrement
Frères et Sœurs,
Ces textes, qui nous parlent du pardon, nous donnent l’impression de ne pas être adaptés au sacrement de Confirmation que nous allons célébrer. Pourtant, il semble que vraiment, ils nous aident à approfondir ce sacrement, et en sont une belle approche.
L’Évangile de ce jour nous révèle la difficulté qu’il y a à pardonner, à nous aimer les uns les autres en vérité, malgré nos limites, nos défauts, nos travers et notre péché. Personne n’échappe à ce défi d’avoir un jour à pardonner ou à demander humblement pardon.
À la question de Pierre de savoir jusqu’où nous devons aller dans le pardon, Jésus explique qu’il n’y a pas de limite, et dit une parabole vraiment étonnante qui nous invite à contempler l’amour que Dieu manifeste à l’égard de chacun de nous.
Dans la parabole, la dette de cet homme vis-à-vis du roi est considérable : 60 millions de pièces d’argent. Le dominicain Adrien CANDIARD[1] estime que cela représente 165 000 années de salaire minimum, le SMIC.
Je ne sais pas comment il a fait son calcul, mais en tous les cas Jésus veut montrer par cette somme astronomique que notre dette à l’égard de Dieu est inestimable.
De fait, Jésus a donné sa vie pour pardonner nos péchés, nous libérer du mal et nous introduire dans la vie éternelle avec Lui. En soulignant dans la parabole la grandeur de l’amour de Dieu à notre égard, il veut ainsi ouvrir notre cœur à aimer les autres, d’un amour sans limites, et donc à aller jusqu’au pardon.
Cet amour de Dieu, inestimable, nous éclaire sur le sacrement de Confirmation qui, dans la continuité du Baptême qui nous pardonne nos péchés et nous fait entrer avec Jésus dans la vie éternelle, est un don de Dieu. Je le dis au moment de la Chrismation : « Sois marqué de l’Esprit Saint, le don de Dieu. ». Ce don n’est pas un geste magique qui d’un seul coup vous changerait en saints ! Non, c’est un don de Dieu, autrement dit, une manifestation de son amour miséricordieux (ce terme qui associe à la fois misère et cœur reflète l’amour du Seigneur pour notre misère). Le sacrement de Confirmation manifeste ce don, car il accomplit réellement ce qu’il signifie, mais nécessite évidemment d’accueillir librement ce don et de s’engager à le faire fructifier dans toute notre vie. Ainsi que le dit Saint-Paul dans la deuxième lecture que nous avons entendue, « Si nous vivons, nous vivons pour le Seigneur ; si nous mourons, nous mourrons pour le Seigneur. Ainsi, dans notre vie comme dans notre mort, nous appartenons au Seigneur. »
Au fond, devenir chrétien, c’est accueillir ce don de Dieu et permettre à son amour de régner en nous. Il est nécessaire pour cela de se laisser conduire par l’Esprit Saint dans tous les aspects de notre vie. Nous retrouvons les sept dons de l’Esprit Saint, sur lesquels avec les Confirmands adultes nous avions médité et vous les jeunes également au cours de votre préparation : la sagesse, l’intelligence, le conseil, la force, la connaissance, l’affection filiale et l’esprit d’adoration. Ce sont les différentes facettes de notre vie de foi.
La Confirmation n’est pas la « cerise sur le gâteau » de notre existence : c’est toute la recette du gâteau qui est réécrite à la lumière de l’Évangile et la force de l’Esprit Saint. Cela se manifeste en nous par trois aspects complémentaires, que nous pourrions qualifier d’engagements.
Le premier est l’amour des autres « Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés », dit Jésus. Avec la crise du Coronavirus, nous avons pris davantage conscience que lorsque l’on dit « prenez soin de vous » c’est aussi dans le but de prendre soin des autres. Le confinement également nous a poussés à être plus attentifs les uns avec les autres, plus solidaires aussi. Nous sommes invités à sortir de notre égoïsme, à sortir de notre peur pour nous donner aux autres dans le service. Je suis frappé de voir, tant parmi les Confirmands adultes que parmi les jeunes Confirmands, que beaucoup sont engagés dans l’Église d’une manière ou d’une autre (catéchisme, préparation aux sacrements, servants d’autel, animation des chants…). Bien sûr, il ne faut pas s’engager uniquement dans l’animation de l’Église, mais aussi en ayant une attention à tous ceux qui ont des difficultés ou qui sont rejetés.
Le second est la vie spirituelle. La vie de prière est un cœur à cœur avec le Seigneur ! Cette communion avec le Christ est importante à vivre pour nous. C’est cette amitié que nous construisons avec le Seigneur qui nous rend vraiment chrétiens. Nous devons aussi dans notre vie de prière, prier pour les autres, prier pour le monde. La vie spirituelle passe également par l’approfondissement de la Parole de Dieu en la connaissant, en la méditant, en la priant, car elle enracine notre foi et nous rend solides dans la foi dans un monde qui n’est pas forcément chrétien. Enfin, il y a aussi les sacrements, dont l’Eucharistie qui est la source et le sommet de toute la vie chrétienne et celui du pardon, où comme nous l’avons entendu tout à l’heure dans l’Évangile, c’est vraiment d’accueillir l’amour de Dieu qui relève.
Enfin, le troisième aspect est le témoignage, c’est-à-dire notre foi en Jésus, mort et ressuscité, le sauveur des hommes qui vient nous délivrer du mal et c’est une joie qui se partage, peu importe sous quelle forme, dans les rencontres que nous pouvons avoir avec les autres. Par nous, la Bonne Nouvelle se répand et grâce à l’Esprit Saint porte du fruit. Il n’est pas facile de témoigner, surtout dans un contexte où les chrétiens peuvent être mis un peu en marge, mais c’est nécessaire ! Et cela porte du fruit, car l’Esprit Saint travaille dans le cœur de ceux qui nous écoutent.
Alors, Frères et Sœurs, que ce don de Dieu que vous allez recevoir en plénitude vous donne la joie spirituelle dont nous avons tous tant besoin, et que cette joie rayonne autour de vous. Amen
† Laurent DOGNIN
Évêque de Quimper et Léon
[1] Adrien CANDIARD o.p. « A Philémon — Réflexions sur la liberté chrétienne ; » CERF 2019 — page 120.